PORTRAIT DE CHRISTELE LOUBET
maître de conférences en histoire médiévale à l’Université de Lorraine

Interview

POUVEZ-VOUS VOUS PRÉSENTER PROFESSIONNELLEMENT EN QUELQUES MOTS ? VOTRE PARCOURS, VOTRE DOMAINE DE RECHERCHE, VOTRE LABO, LE LIEU OÙ VOUS ÊTES SITUÉ, VOS INTERACTIONS AVEC L’UL ET LE CNRS ?

Après quelques années d’enseignement dans le secondaire, j’ai été élue maître de conférences en histoire médiévale à l’Université de Lorraine (site de Nancy) en 2011, au sein du Centre de Médiévistique Jean Schneider, une équipe de recherche labellisée (ERL) du CNRS. J’ai ensuite rejoint le Centre de Recherche Universitaire Lorrain d’Histoire (CRULH).

De mon expérience dans le secondaire, j’ai retenu l’importance de la pédagogie et de la transmission. Responsable du master MEEF parcours Histoire-Géographie et Lettres-Histoire-Géographie pendant plusieurs années, j’ai intégré le jury du CAPES externe d’Histoire-Géographie en 2020 et vient d’être nommée vice-présidente de ce même concours pour les deux prochaines années.

Mes recherches actuelles se placent dans la continuité de mon travail de doctorat, qui portait sur le pouvoir princier au XIVe siècle. Après la parution de ma thèse (Le gouvernement de la comtesse Mahaut en Artois (1302-1329), Brepols, ARTeM 18, 2014), j’ai publié une biographie de Mahaut, comtesse d’Artois (Mahaut d’Artois, une femme de pouvoir, Perrin, 2015). Je suis aussi auteur d’un ouvrage intitulé Louis X, Philippe, Charles IV. Les derniers Capétiens, publié en 2019 aux éditions Passés Composés.

Je m’intéresse donc au genre biographique, genre hybride, relevant de la littérature et de l’histoire, du récit (aspect narratif) et du discours (aspect historique), qui connaît aujourd’hui un important renouveau, aussi bien dans la société que dans le monde universitaire. Ces travaux m’ont aussi conduite à explorer les sources littéraires médiévales, qui forment le corpus principal de l’Habilitation à diriger des Recherches dans laquelle je m’engage cette année.

POURQUOI AVOIR VOULU VOUS ENGAGER EN QUALITÉ DE RESPONSABLE D’AXE AU SEIN DE LA MAISON ?

La MSHL est une institution essentielle dans le paysage de la recherche en SHS. Les financements offerts, les compétences des personnels d’appui sont de solides atouts pour les projets qu’elle abrite. J’ai personnellement participé au projet AMPLorr (Actes médiévaux des princes lorrains : vers un corpus numérisé), financé par la MSHL en 2016, ce qui m’a permis de mesurer l’importance de la structure dans le paysage de la recherche. Être responsable scientifique de l’un des axes de la MSH, c’est s’impliquer dans un dispositif qui occupe une place primordiale dans la recherche en SHS.

L’animation de l’axe CREAVA se place par ailleurs dans la continuité de mes préoccupations scientifiques. J’accorde en effet une place importante aux humanités numériques — conçues comme la mobilisation des technologies numériques dans la recherche en sciences humaines — au sein de mes recherches et de mon enseignement. Soucieuse de mieux comprendre les diverses solutions techniques offertes aux chercheurs dans le traitement de leurs données, je me suis formée à l’encodage XML/TEI au sein de l’École nationale des chartes en 2014 ; je maîtrise également les logiciels QGIS (SIG) et Gephi (analyse et visualisation de réseaux).

Ces outils sont devenus de précieux auxiliaires de la recherche, et de la mienne en particulier. Même s’ils sont de plus en plus utilisés en sciences humaines, ils restent encore trop méconnus de beaucoup, doctorants ou chercheurs confirmés. Grâce à l’organisation de deux journées d’études (« Les sciences humaines et sociales à l’heure du numérique. Quels outils ? Quels usages ? Quels apports ? » en mai 2019 et « Numérique, histoire et patrimoine : stocker, conserver, valoriser » en septembre 2022), j’ai déjà sensibilisé les collègues de SHS aux apports du numérique à la recherche. Mon engagement en tant que responsable scientifique au sein de la MSH m’offre finalement l’occasion de poursuivre et amplifier ce travail de réflexion autour de la place du numérique en SHS tout en me faisant l’ambassadrice des activités de la MSH auprès des chercheurs.


QUELLES SONT VOS ORIENTATIONS STRATÉGIQUES POUR L’AXE QUE VOUS ANIMEZ ?

L’axe CREAVA, Création de données et valorisation de corpus en sciences humaines et sociales, entend répondre aux défis et enjeux liés à la collecte, au stockage, à l’analyse et à la valorisation des données de la recherche. Les différentes plateformes de la MSH, CENTHOR (Anne-Lise Christmannn et Pierre Willaime), ECHO (Mickael Smodis) et Numérilab (Catherine Angevelle) répondent déjà à plusieurs de ces objectifs mais il s’agit aussi de sensibiliser les chercheurs aux règles de la science ouverte, dans laquelle sont engagées l’Université de Lorraine et la MSH (Florence Bouchet-Moneret). Le projet de data journal porté par Julien Muller œuvre dans ce sens.

L’axe 2 souhaite apporter aux chercheurs un accompagnement à la fois scientifique et technique sur ces différents points auxquels ils seront sensibilisés par le biais de rencontres régulières (« petits déjeuners » de la MSH, séminaires, journées d’études). Il s’agira aussi de diffuser les résultats des projets menés au sein de l’axe, par l’organisation de journées-bilans et/ou la publication de billets de blog par les porteurs de projets.

Une autre de mes ambitions est d’assurer une veille sur les nouveautés pouvant concerner les chercheurs en SHS, par exemple dans le domaine de l’IA, dont les rapides progrès sont susceptibles de bouleverser encore les pratiques de la recherche aussi bien dans la collecte que le traitement des données.

QUELLE EST VOTRE ACTUALITÉ SCIENTIFIQUE ?

Jean-Christophe Blanchard, ingénieur de recherches au CRUHL, et moi-même venons de lancer le projet DRAgON (Détecter la Réalité Animale grâce à l’Outil Numérique). L’ambition de ce projet est de poser les premiers jalons d’une étude historique sur la présence et l’importance de l’animal, aussi bien sauvage que domestiqué, dans l’espace lorrain, à l’époque du duc de Lorraine René II (1473-1508). Pour traiter le corpus documentaire (39 registres, représentant un total de 10415 feuillets, nous souhaiterions explorer les possibilités offertes par la HTR (Handwritten text recognition) appliquée à la graphie médiévale. Ce projet entre donc en résonnance directe avec les problématiques de l’axe 2.

Dans un tout autre registre, mon prochain ouvrage, une biographie du roi Philippe VI de Valois, doit paraître aux éditions Passés Composés en octobre 2023.