PORTRAIT DE REINER MARCOWITZ

PROFESSEUR DES UNIVERSITÉS, CODIRECTEUR DU DÉPARTEMENT D’ÉTUDES FRANCO-ALLEMANDES & RESPONSABLE DE L’AXE 1 DE LA MSH LORRAINE

Interview 

POUVEZ-VOUS VOUS PRÉSENTER PROFESSIONNELLEMENT EN QUELQUES MOTS ? VOTRE PARCOURS, VOTRE DOMAINE DE RECHERCHE, VOTRE LABO, LE LIEU OÙ VOUS ÊTES SITUÉ, VOS INTERACTIONS AVEC L’UL ET LE CNRS ?…

Après avoir fait mes études d’études germaniques, d’histoire et des sciences de l’éducation à l’université de Cologne en Allemagne, j’y ai soutenu, en 1992, mon doctorat avec une thèse intitulée « Option für Paris? Unionsparteien, SPD und Charles de Gaulle 1958-1969 » (« Une Option pour Paris ? Les partis de la CDU/CSU, le SPD et Charles de Gaulle 1958 – 1969 »). Recruté ensuite à l’Université de Dresde, dans le contexte du remaniement de l’université après l’unification allemande, j’y ai soutenu, en 1999, ma thèse d’État, intitulée « Großmacht auf Bewährung. Die Interdependenz französischer Innen- und Auβenpolitik und ihre Auswirkungen auf Frankreichs Stellung im europäischen Mächtesystem 1814/15 – 1851/52 » (« Une grande puissance en sursis. L’interdépendance de la politique intérieure et extérieure française et ses répercussions sur la position de la France dans le système des puissances européennes 1814/15 – 1851/52 »). Ensuite j’étais en poste à l’Institut historique allemand à Paris avant d’être recruté, en 2007, à l’Université Paul Verlaine-Metz, sur un poste de professeur en civilisation allemande, fléché l’histoire des pays germaniques et des relations franco-allemandes dans leur contexte européen aux XIXe et XXe siècles et rattaché au Centre d’études germaniques interculturelles en Lorraine (CEGIL).

POURQUOI AVOIR VOULU VOUS ENGAGER EN QUALITÉ DE RESPONSABLE D’AXE AU SEIN DE LA MAISON ?

Depuis mon arrivée à l’Université Paul Verlaine–Metz (depuis 2012 : l’Université de Lorraine) on m’a régulièrement confié des responsabilités, aussi bien pédagogiques, scientifiques qu’administratives, pour contribuer à l’axe franco-allemand, voire européen de l’établissement : j’étais e.a., de 2010 à 2018, directeur du Centre d’études germaniques interculturelles de Lorraine (CEGIL), en 2011/2012, chargé de mission de la création du Centre franco-allemand de Lorraine (CFALOR), une structure que j’ai dirigée ensuite pendant quatre ans. En 2018/2019, j’étais chargé de la candidature de l’UL à l’adhésion au Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’Allemagne (CIERA) et depuis 2019 je suis référent CIERA de l’UL et représente notre université au sein du comité de pilotage du CIERA. Par ailleurs depuis 2008 je suis aussi responsable du Master d’études franco-allemandes : communication et coopération transfrontalières et depuis 2015 coresponsable du programme de PhD-track : Interculturalité des littératures, des médias et des organisations ; tous les deux programmes sont rattachés aux trois universités de Lorraine, de la Sarre et du Luxembourg et soutenus par l’Université franco-allemande (UFA). Enfin, j’étais déjà chargé, ces deux dernières années, de l’animation du nouveau GermanoPôle lorrain et de sa coopération avec sa structure miroir, le GermanoPôle de la MISHA à Strasbourg. Etant donné que le nouvel axe 1 de la MSHL, « Germanopôle  & Border Studies (GERTRA) », répond parfaitement à l’orientation franco-allemande de la politique européenne et internationale de l’UL, j’ai souhaité continuer à mettre au service de la MSHL ma longue expérience dans ce domaine, tout en espérant que GERTRA devient un moteur de la recherche franco-allemande, voire franco-germanique et européenne au sein de l’UL et au-delà.

QUELLES SONT VOS ORIENTATIONS STRATÉGIQUES POUR L’AXE QUE VOUS ANIMEZ ?

Dans ce contexte trois objectifs me semblent prioritaires :

(1) Contribuer au volet franco-allemand de la politique européenne de l’Université de Lorraine (UL) et à la mission d’internationalisation de la recherche de la MSHL en faisant de GERTRA, en coopération avec toutes les unités de recherches concernées, un observatoire et un relais de tous les projets de recherche franco-allemands, voire franco-germaniques, portés par des chercheurs en SHS à l’UL. En même temps GERTRA se propose d’aider, sur le plan informel et matériel, tous les collègues intéressés à identifier des partenaires nationaux et internationaux afin de faire émerger des nouveaux projets inter- ou pluridisciplinaires avec des partenaires dans un pays germanophone. Dans ce contexte le périmètre des recherches transfrontalières à l’UL, en partenariat avec l’UGR et au-delà, dont le Center for Border Studiesa déjà fait preuve ces dernières années, serait encore à élargir.

Par conséquent la coopération avec le GermanoPôle de la Maison Interuniversitaire des Sciences de l’Homme (MISHA) à Strasbourg doit être pérennisée et renforcée encore, tout d’abord en faisant des Journées franco-allemandes annuelles un lieu de rencontre réunissant tous les chercheurs en SHS (chercheurs confirmés et jeunes chercheurs y compris des doctorants), mais en y invitant également les étudiants des nombreux programmes de Master bi- ou même trinationaux, rattachés aux trois universités partenaires des deux MSH, l’UL, l’Université de Strasbourg (Unistra) et l’Université de Haute Alsace (UHA), pour faire de ce format le point de départ de nouvelles coopérations et de la formation à la recherche. Depuis récemment, les deux Germanopôles constituent le Pôle Grand Est au sein du Centre interdisciplinaire d’études et de recherches sur l’Allemagne (CIERA) qui se situe à côté du Pôle Ile de France et du Pôle Rhône-Alpes ; les deux structures doivent en tirer le meilleur profit pour intensifier encore leur implication commune dans ce réseau national et créer ainsi des effets de synergies, par exemple en ce qui concerne les différents AAP de la MSHL, de la MISHA et du CIERA.

(2) En interne, GERTRA assurera l’animation de la dynamique franco-allemande, voire franco-germanique de la MSHL par l’intermédiaire de rendez-vous avec l’ensemble des laboratoires de l’UL. Des interventions sur les missions de GERTRA et ses outils de support de la recherche aux conseils de tous les Pôles Scientifiques seraient à programmer.

En complément GERTRA doit mettre sur sa page toutes sortes d’informations utiles relatives aux programmes de recherches franco-allemands et créer des liens avec les sites des institutions partenaires, telles que l’ANR, le Centre de coopération universitaire (CCU) franco-bavarois, le CIERA, le DAAD, la DFG, le GermanoPôle de la MISHA et l’UFA ainsi que les Pôles France (Frankreichzentren) en Allemagne.

(3) GERTRA se propose de donner une plus grande visibilité aux projets de recherche franco-allemands, voire franco-germaniques en cours à l’UL, soit par le biais des présentations des projets et de leurs résultats sur son site Internet, soit sous forme des conférences faites par les porteurs de ces projets dans les locaux de la MSHL et s’adressant aussi à un grand public.

QUELLE EST VOTRE ACTUALITÉ SCIENTIFIQUE ?

Je viens de terminer une recherche sur le thème : « Quelle démocratie ? La réflexion sur la crise, la modernisation et les limites de la démocratie en Allemagne, en France, en Angleterre et en Europe centrale entre 1919 et 1939 » (cf. http://cegil.univ-lorraine.fr/content/quelles-democraties). Ce projet pluridisciplinaire biannuel est issu de la coopération entre les Universités de Lorraine (CEGIL), de Reims Champagne-Ardenne (CIRLEP), de Strasbourg (Mondes germaniques et nord-européens) et d’Augsbourg/All. (sciences politiques) en partenariat avec l’Institut historique allemand Paris (IHAP/DHIP) et l’Université de Caen Normandie (ERLIS) et a été soutenu par le CIERA sous forme d’un Programme formation recherche (PFR). Sa démarche centrale consista à reconstruire les diverses critiques et les nombreux projets de réforme de la démocratie conçues pendant l’entre-deux-guerres dans tous les camps politiques, à les insérer dans leurs contextes historique, idéologique et socio-culturel, tout en s’intéressant également à leur impact sur la vie politique et sociale de l’époque. En outre, le projet privilégia une approche comparatiste qui mit l’accent sur l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne ainsi que sur l’Europe centrale (notamment la Pologne et la Tchécoslovaquie). Les résultats du projet sont publiés dans deux dossiers thématiques dans le no. 54-2 (2022) et le no. 55-1 (2023) de la Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande.

Récemment et en fonction de l’actuel contexte international particulier, j’ai analysé le changement de la politique étrangère allemande, annoncé par le discours du chancelier Olaf Scholz du mois de février 2022 sur la « Zeitenwende » (le « changement d’époque »), et son impact sur les relations franco-allemandes ainsi que le processus de la construction européenne. Une version succincte des résultats de cette étude a été publiée dans Conversation (https://theconversation.com/lallemagne-face-a-la-guerre-en-ukraine-un-changement-depoque-189861) ; une version détaillée paraîtra à la fin de l’année dans la Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande. En complément je suis, avec des partenaires des Universités de Cergy-Pontoise (AGORA) et de Passau/All. (sciences politiques) co-porteur d’un nouveau Programme Formation Recherche du CIERA, intitulé « La France et l’Allemagne face au retour de la géopolitique dans l’analyse des enjeux stratégiques pour l’Union européenne (UE) » (cf. https://cegil.univ-lorraine.fr/content/la-france-et-lallemagne-face-au-retour-de-la-geopolitique-dans-lanalyse-des-enjeux) qui analyse le retour de la pensée géopolitique dans le discours publique et scientifique, en particulier en France et en Allemagne. Il s’agit d’une étude croisée qui permettra de comprendre pourquoi et comment de plus en plus d’acteurs politiques et économiques allemands ont, depuis à peu près une décennie, (ré)intégré dans leur discours le concept « géopolitique », alors que celui-ci a été toujours d’actualité en France. En outre nous nous interrogeons sur les conséquences de ce changement de paradigme pour la coopération franco-allemande, voire européenne en matière de la politique étrangère et de sécurité.

Les publications de Reiner Marcowitz sont consultables sur son site personnel :
https://cegil.univ-lorraine.fr/content/marcowitz-reiner